Témoignage d’André Heeren
Acadie oh Acadie, merci de m’avoir accueilli en ton sein
Travailler, c’est trop dur, et voler, c’est pas beau.
D’mander la charité, c’est qué qu’ chose j’peux pas faire.
Chaque jour que moi j’ vis, on m’ demande de quoi j’vis.
J’ dis que j’ vis sur l’amour, et j’espère de viv’ vieux!…
Avant toute chose, pardonnez-moi d’avoir interprété cette chanson de cette manière. De l’avoir massacrée, en fait. Lorsque j’étais jeune, je pense que c’est la première chanson de Zachary Richard que j’ai entendue à la radio. Et dire que je pensais que c’était un chansonnier français, à la limite un chansonnier québécois! Vous me pardonnerez cette erreur d’appréciation lorsque vous saurez que je suis originaire d’un petit coin de la Belgique francophone et que, à l’époque, je ne connaissais pas grand-chose à la géographie et encore moins à l’histoire.
En fait, je n’avais jamais entendu parler des Acadiens et des Acadiennes et je ne savais rien de votre histoire et de votre culture. Mon seul lien avec cette réalité était une chanson d’un autre chansonnier français, Michel Fugain et le Big Bazar, qui chantait cette toune :
Tous les Acadiens, toutes les Acadiennes,
Vont sauter vont danser sur les violons
Ils sont Américains et elles sont Américaines
La faute à qui donc, la faute à Napoléon
Et encore, cette chanson parlait des Cajuns, originaires de la Louisiane.
J’ai quitté la Belgique et j’ai habité au Québec pendant plus de 17 ans mais, depuis six mois, j’habite aux États-Unis, à Los Angeles. Vivant à Montréal, j’ai découvert la réalité quotidienne de devoir défendre sa culture et sa langue, le français, dans la réalité nordaméricaine, où la culture anglophone écrase plus ou moins tout sur son passage. Néanmoins, au Québec, la langue française demeure la langue principale, la langue commune et donc, si la réalité culturelle doit continuer à se défendre, à s’affirmer et à se développer, elle se vit dans un contexte somme tout assez favorable. Cela n’est pas le cas pour les communautés francophones disséminées dans le reste du Canada, qu’ils s’agissent des franco-Ontariens ou des franco-Albertains, par exemple, que j’ai rencontrés dans le cadre de mon travail ou les Acadiens dans les provinces maritimes et bien au-delà.
Je suis venu à Moncton pour la première fois en novembre 2000, pendant une semaine mais, habitant avec des Québécois, je n’avais pas eu, à l’époque, l’occasion de connaitre la réalité acadienne, si ce n’est une brève visite au musée acadien à l’université de Moncton.
Ma vraie rencontre avec l’Acadie, avec mes amis et amies Acadiens et Acadiennes, je l’ai vécue il y maintenant près de 6 ans, en juillet 2013, lorsque je suis venu en vacances ici à Bouctouche, dans la famille Maillet (et les Allain, bien entendu), avec mon ami Jacques. Cette année-là, on en a fait du millage : heureusement que je n’avais pas regardé la Mappe avant chaque sortie, sinon on serait resté à la maison, c’est sûr!
Arrivant de la Gaspésie, on est passé par Caraquet et la péninsule acadienne, Miramichi, Bouctouche, Cocagne, Shediac, Moncton, … Mais aussi la Nouvelle Ecosse, Grandpré, le Cap Breton et la visite à la forteresse de Louisbourg, une journée au Pays de la Sagouine et, de conséquence, la lecture du livre La Sagouine, …
Jour après jour, je découvrais toutes ces facettes de l’histoire acadienne, le grand Dérangement, la déportation (et pas uniquement la chanson Évangeline que l’on connait aussi en Europe et au Québec).
J’en suis resté vraiment marqué, touché, impressionné, transformé, au moins je l’espère. Et cela m’a tellement plu que je suis revenu à de nombreuses occasions dans les années qui ont suivi. Mais une chose manquait à mon expérience : vivre au moins une fois dans ma vie le grand tintamarre. Et je l’ai reçu en double hier : d’abord à Bouctouche et ensuite on s’en est venu à Dieppe où j’ai vécu une expérience exceptionnelle en marchant dans la foule et en participant le soir au grand spectacle de la fête nationale acadienne.
Pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela, me demanderez-vous avec raison?
Parce que si, depuis près de 20 ans désormais, je me sens chez nous au Québec, car je me suis reconnu vivant dans cette réalité et les Québécois et les Québécoises sont devenus, avec le temps, comme mes cousins et mes cousines germaines.
Mais, au fond, ici en Acadie, et c’est cela qui me touche aujourd’hui, je me sens de plus en plus à la maison et chaque journée m’apporte de nouvelles découvertes.
Ces derniers jours, à la blague mais pas tellement au fond, j’ai dit et répété à qui voulait l’entendre, que comme un p’tit Belgo-Québécois ou Québéco-Belge si vous préférez, perdu en Acadie, qui est devenu comme le petit dernier de la famille Maillet, comme le petit dernier adopté (j’ai même porté l’étendard des Maillet hier pendant le grand tintamarre).
Alors à toi, mon ami Jacques (à Alyre, à Damien, à Thaddée et je me suis certainement trompé dans la succession), à Fernande qui nous accueille à chacun de nos passages, à toi Denis, à Eloi, à Conrad et à toute la famille Maillet de Bouctouche (j’aurais trop de misère à citer toutes les grandes dames de la famille au complet), je voudrais simplement redire, avec de simples mots : MERCI, MERCI, MERCI!
Et longue vie et grande descendance à tous les Maillet!
André Heeren, le 16 août, 2019